Presque quinze ans que Leonardo Cremonini nous a quitté et l’occasion nous est donnée de nous souvenir qu’il fut un très grand artiste.

Professeur à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris, peintre reconnu, son œuvre d’une remarquable individualité est plus que jamais contemporaine.

Cette exposition réunit un ensemble d’estampes : gravures, lithographies et sérigraphies de 1957 à 2014, nous montrant ainsi l’importance des multiples au sein du processus créatif et de l’engagement social de l’artiste.

« Il gravait avec un plaisir ludique, en compagnie de ceux qu’il appelait « ses complices ou résistants » pendant ses échappées au moulin… »

Après les années 1950-1960, qui vont le rapprocher de l’expressionnisme violent de Bacon, il passera des entrailles à la lumière ; annonce de ce parcours unique de figuration existentielle.

Des formes minérales très présentes, presque organiques, surgissent dans le paysage. Le monde Cremoninien se met en place : peinture raffinée, aplats aux tons acidulés, les coulures striant les surfaces, le vide illimité et pesant, les valeurs claires et sombres alternées, les éléments géométriques des cadres.

Réel… Reflets, les miroirs des corps tronqués, l’espace pétrifié des scènes de plage, les entrebâillements des scènes d’intérieur, les enfants aux yeux bandés ou exorbités.

Les couleurs charnelles suintent de la matière, la lumière est omniprésente, celle de la nuit rencontre celle d’un intérieur le temps d’une chaude soirée d’été.

A travers ces « Regards secrets », les rapports (L. Althusser) imprégnés du désir nous trouble et n’ont rien de rassurant. Ne serait-ce pas là le langage métaphysique de cette peinture séduisante qui donne corps à un monde imprévisible ? Sans doute un appel à la libération et au défi.

Quoi de plus édifiant pour résumer l’œuvre de ce grand artiste que ces phrases écrites par les écrivains :

« Prenez-y garde, Cremonini restera » — R. Debray

« Il n’y aura jamais de faux Cremonini » — J.-L. Chalumeau

« Le défi dans le corps à corps et l’entrecroisement de yeux » — M. Le Bot

« Haute peinture piégée » — C. Noorbergen

Marie Vitoux